vendredi 17 décembre 2010

Oiseaux


LO N°425 (16 12 10)
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INFARCTURE SOCIALE
Dans le documentaire "Voyage en beurgeoisie" (c'est une nouvelle classe sociale : les "beurgeois") un chirurgien (à peine "typé") raconte qu'il est appelé en urgence à quatre heures du matin. Dans la salle d'opé se trouve un patient en infarctus du myocarde, blafard mais conscient. (Pour déboucher l'artère coronarienne, on n'endort pas le patient.) Celui-ci, avisant le chirurgien qui s'apprête à l'opérer, lui demande : « Vous êtes ashkénaze ou séfarade ? » Le chirurgien lui fait : « Hum… Pas le temps… On verra ça plus tard… » Il fait son boulot, une heure après le type est sauvé, bien réveillé, tout rose. Ils discutent. Le chirurgien : « En fait, je suis arabe… Mais si je vous l'avais dit avant, peut-être que vous seriez mort, maintenant. » Des années après, le chirurgien comme le patient en rient encore.
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BRUT
— On a beau, bobos cools,  faire gaffe à nos déplacements et donc à notre consommation automobile, on a beau faire une crise économique de première bourre qui fait baisser production et consommation de couches-culottes jetables, il n'en reste pas moins que la consommation globale de brut a augmenté de tant % en 2010 et qu'elle augmentera encore de tant % en 2011.
— Mais c'est pas encore assez ! Faut en cramer le plus possible le plus vite possible, qu'on en finisse avec cette merde !
— Allons bon ! le voilà qui repique une crise de polpirite aiguë…
— Polpirite ?
— Politique du pire.
— Faut pas pessimister comme ça.
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CRISE DE L'EURO
— La BCE sort de sa réserve.
— Elle sort quoi, de sa réserve ?
— Ben… des sous.
En fait la BCE rachète les créances des États en danger monétaire, comme le fait la Réserve Fédérale Américaine. Comment cela pourrait-il ne pas mener à une catastrophe, à court ou moyen terme…?
— Des fois, il y a des catastrophes évitées et on ne le sait même pas. On n'a personne à remercier.
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POLLINISATION
Le bouche-à-oreille est un bouche-à-bouche : en faisant passer le mot, il nous maintient en vie.
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MORALE
Conception anarchiste de la morale : liberté jamais sans solidarité et solidarité jamais sans liberté. L'origine en serait l'impératif catégorique de Kant : « Agis toujours d'après une maxime telle que tu puisses vouloir en même temps qu'elle soit une maxime universelle. » Et aussi : « Traite l'humanité, que ce soit dans ta propre personne ou dans celle d'autrui, toujours comme une fin, et jamais seulement comme un moyen. »
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TÉLÉOLOGIE
Georg Simmel est l'auteur du concept de "série téléologique" : série d'actions enchaînées vers un but. (Téléologie : (à ne pas confondre avec la théologie). Définition usuelle : "l'étude des fins"... "Télos" traduit le grec "fin", dans le sens de finalité, but. Cela peut prendre l'aspect d'une doctrine philosophique selon laquelle toute chose, toute forme a une finalité. Dans une définition plus moderne, on parlera de :
 "science des processus de finalisation ou comment, en fonctionnant et en se transformant, et en se formant des représentations de leurs comportements (informés, et par là, informant), les systèmes élaborent en permanence leurs propres processus de finalisation." Formule un peu abstruse, certes, mais il faut dire qu'on entre dans le domaine de la complexité, l'étude des systèmes, l'information, la cybernétique… Je n'irai pas plus loin, sauf pour citer J. Ladrière : « C'est une téléologie qui se construit. Il n'y a pas un télos posé à l'avance, il y a comme un processus d'apprentissage à la faveur duquel une démarche d'abord tâtonnante réussit à dessiner de façon de plus en plus précise son propre cheminement. Un processus interne d'auto finalisation. »
 Ce qui m'intéresse particulièrement, là, c'est que ces finalités d'un système (individu, État, espèce…) ne sont pas forcément conscientes, elles ne se confondent pas avec les buts consciemment désirés ou voulus par les acteurs du système en question. On pourra donc parler d'un finalisme aveugle, même si ça semble paradoxal…)
Un État est un groupe humain survivant aux décès successifs de ses membres, comme une espèce est un ensemble animal, humain ou végétal survivant aux décès successifs de ses membres, comme un individu est une entité survivant aux décès successifs de ses cellules. Aussi, il faut penser un État, une espèce ou un individu non comme des choses ou des états statiques, mais comme des processus s'étendant dans la durée, formant "série téléologique".
À part que l'idée de but (fin, finalité, projet, but conscient) n'est pas si évidente. Quel est le but d'un État, d'une espèce, d'un individu ? Le but de la Vie, de la Nature ? Le but n'est-il pas seulement : être et durer, c'est-à-dire exister le long du temps, persister – sans fin… c'est-à-dire sans but ?
Sauf, chez les humains, pour l'individu qui croit au divin, le but, la fin (aux deux sens, finalité et finitude) c'est "l'après la mort" – paradis avec angelots à cul nu ou 11000 vierges…
Pour la civilisation de la même foi, l'équivalent collectif à cette mort/paradis est l'apocalypse : la révélation de "l'après la fin du monde terrestre" : parousie, Jérusalem céleste, point Oméga… (Ce qui correspond à la téléologie vue par la philosophie spéculative classique : cette fin, sous forme de cause finale, est au-delà du connaissable, en Dieu.)
Sur un plan plus concret, la notre civilisation est braquée sur l'idée de Progrès : ce n'est pas vraiment un but au sens de fin, rupture et passage dans une autre réalité, mais on peut quand même parler de téléologie dans le sens de tension vers un futur imaginé, projeté : toujours plus beau toujours plus mieux, à l'infini. Une pure dynamique, en fait, tirée en avant par une image plus ou moins nette, un fantasme du mieux et du plus, et donc peut-être bien tout aussi mystique et mythique que le précédent concept religieux avec arrière-monde à la clef.
L'État est-il lui aussi établi dans cette tension vers le mieux ? Pas sûr. Théoriquement, idéalement, oui… mais en réalité…? (Penser à demander à un homme politique quel est le but de l'État…)
Quant à une espèce, elle n'a aucun projet, aucun but, aucune fin. Elle dure, elle continue, se développe s'il y a de la place, se restreint s'il y a un manque dans le contexte, disparaît s'il y a un gros manque, ou un gros trop… À part que l'évolution peut être vue comme une série téléologique, un processus interne d'auto finalisation.
 Mais non conscient. Un finalisme aveugle.
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COMPLEXES
« Quand la droite réalise son programme, les médias parlent de droite "décomplexée". Quand la gauche essaie de mettre en œuvre le sien, les médias parlent de gauche "utopiste". » (Daniel Rossille, courrier des lecteurs de Télérama 3175, novembre 2010.)
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COMMENT LES RICHES NE PAIENT PAS D'IMPOTS
Les niches fiscales, c'est un peu comme les pesticides dans nos assiettes (ou comme les Auvergnats) : quand y en a une ça va, c'est quand y en a beaucoup que ça pose problème. Car elles s'additionnent, et des retraits qui s'additionnent, au final ça fait résultat : zéro. (Faut juste avoir un comptable astucieux.)
Pour les pesticides dans nos assiettes, c'est un peu différent : il y a effet cocktail : les ingrédients ne se contentent pas de s'additionner, ils sont susceptibles de se combiner, réagir entre eux, se potentialiser les uns les autres. Et quand il y en a 50 ou plus, le nombre de combinaisons possibles (par deux, par trois, par quatre, etc.) est quasi-infini si bien qu'étudier l'impact éventuel de ces combinaisons est au dessus des forces de tout laboratoire de vérification.
Pour les Auvergnats, je ne me prononcerai pas.
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LA MÈCHE s'est éteinte avec son N°13.


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