mercredi 22 février 2012

QUI GAGNE PERD


LO N°469 (22/02/12)
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GRÈCE ENCORE
Ajoutons encore que quand on a fait entrer la Grèce dans l'EuroZone, on savait que ses comptes étaient pourris. En 2005, la commission européenne a demandé un audit sur la Grèce, qui a été refusé par la France et l'Allemagne. Pourquoi ? La France et l'Allemagne vendaient des armes à la Grèce. (Et continuent à lui en vendre : fin 2011, en pleine crise, la Grèce nous achetait des vedettes militaires.) Ils auront tout ce qu'il faut pour assurer leur guerre civile… Et derrière ce surarmement de la Grèce et l'approbation de ce surarmement par l'Europe, il y a vraisemblablement un aspect géostratégique : la Grèce est la frontière de la Turquie… c'est à dire de l'Islam…
Ajoutons encore, pour rester dans les faits de guerre, que l'Allemagne n'aurait jamais payé à la Grèce les dommages de guerre de 39-45, qui s'élèveraient, de nos jours, et sans intérêts, à quelques cent milliards d'euros (le chiffre varie entre 80 et 160 selon les calculs des uns et des autres). Le principe même est contesté ici ou là, surtout en Allemagne, sauf de la part de Daniel Cohn-Bendit, qui, lui, se place sur un "plan moral" : « Les Allemands, qui se disent vertueux, estiment que les Grecs ont péché et qu'ils doivent payer. Or, ceux qui ont le plus péché, ce sont tout de même les Allemands, dont la dette a pourtant été effacée parce que les Américains y voyaient un intérêt stratégique. Pourquoi ne pas considérer que sauver la Grèce est stratégique, au lieu de mettre ce pays à genoux ? »
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J'ai cité, le supplice de Tantale, l'épée de Damoclès, l'hydre de Lerne… on n'en finirait pas de faire appels aux mythes grecs pour décrire la situation. Le mythe de Sisyphe (la dette), Atlas portant le poids du monde sur ses épaules et peut-être faire appel encore à Hercule pour nettoyer les écuries d'Augias.
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ÉGALITÉ / INÉGALITÉ
La croissance, en elle-même, n'est rien. L'important c'est la répartition des richesses. Le progrès, le vrai, n'est rien d'autre qu'une saine répartition des richesses.
Un milliardaire de plus = combien de pauvres de plus ?
Nous vivons une société à l'envers de Robin des bois : prendre aux pauvres pour donner aux riches. En fait disons plutôt prendre aux classes moyennes pour donner aux riches, et ainsi créer de nouveaux pauvres.
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http://www.oikosblogue.coop/?p=3086
###  Pour la société, une femme de ménage est plus importante qu’un banquier. Selon le rapport « A Bit Rich ? » de The New Economics Foundation, lequel plaide en faveur d’une révision fondamentale de la manière de reconnaître et de rémunérer le travail, la préposée d’un hôpital a plus de valeur pour la société qu’un banquier ou un fiscaliste. Les auteurs de ce rapport se sont basés sur une nouvelle méthode servant à calculer la valeur du travail, afin de briser certains mythes liés aux hauts salaires.
La méthode consiste à regarder au-delà de ce que certaines fonctions reçoivent comme rémunération pour voir comment elles contribuent à la société. Plutôt que de dériver leur valeur sociale de leur rémunération, la méthode cherche à évaluer cette valeur de leur contribution à la société. De plus, les auteurs de cette recherche ont développé une méthode qui tient compte des valeurs économiques, sociales et environnementales que ces fonctions produisent ou détruisent, selon le cas.
Ainsi, The New Economics Foundation pense que des travailleurs comme le personnel de nettoyage ou les ouvriers qui se chargent du recyclage des déchets créent davantage de valeur pour la société. Par exemple, chaque euro versé à une puéricultrice produirait de 7,76 à 10,5 euros d’avantages pour la société. Par contre, les salaires élevés provenant de hauts bénéfices s’expliquent par le fait que les entreprises ne paient pas le coût réel de leurs activités, comme le coût des émissions de gaz à effet de serre. Si le coût réel était payé, certaines prestations seraient remises en question parce que ceux qui remplissent certaines fonctions (des dirigeants d’entreprises polluantes ou des fiscalistes experts des paradis fiscaux) prennent des décisions extrêmement nuisibles à la société.
Les auteurs ont mise en oeuvre leur méthode d’analyse en l’appliquant sur six différents emplois : trois à faible rémunération – préposé à l’entretien, à la récupération et à la petite enfance – et trois à rémunération élevée – un banquier, un fiscaliste et un cadre en publicité. Les résultats confirment que ceux qui ont les plus fortes rémunérations ne travaillent pas nécessairement plus que les moins bien payés, que le secteur privé n’est pas nécessairement plus efficace que le public et que le salaire élevé ne reflète pas le talent…
Les auteurs font une série de recommandations afin de réduire les inégalités et pour reconnecter les rémunérations aux réelles valeurs du travail. ###
J'ai toujours pensé qu'un éboueur devrait être mieux payé que moi…
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ENTROPIE
La pensée néolibérale, c'est simple (simplet), c'est promettre le bien-être général comme résultat magique de la main invisible du Marché, du libéralisme qui est censé être l'interaction spontanée des "acteurs économiques" (plus quelques agents politiques). Partant, au nom de la défense du Marché et de la libre concurrence, tout sera fait pour empêcher les interventions de l'État visant à réguler certains secteurs et à éviter l'aggravation des inégalités. Car, c'est bête mais il est de plus en plus clair (criant, même) que le Marché et sa main invisible créent et augmentent constamment les inégalités. Pourquoi-comment ? C'est assez simple aussi : on ne prête qu'aux riches, comme on dit. Celui qui a beaucoup aura encore plus, celui qui a moins aura encore moins. Les déjà riches ont beaucoup plus d'argent à placer que les pauvres si bien qu'ils deviennent forcément de plus en plus riches. C'est simple à piger : celui qui peut placer un million à 10% gagnera beaucoup plus que celui qui ne peut placer que mille… D'où boucle de rétroaction positive (c'est-à-dire augmentatrice). La monnaie se concentre comme les planètes se fabriquent. Loi de la pesanteur. Coalescence, accrétion. Convergence, agglutination. L'argent va à l'argent. L'argent attire l'argent comme le plus massif attire le plus léger. La logique des inégalités est cumulative.
Dans un espace clos, à la longue, concentration, il n'y a plus qu'un corps, une seule masse. Une seule banque. Elle a gagné. Mais du même coup, elle a perdu (implosion) = fin de l'histoire.
Qui gagne perd
Expérience avec le Monopoly : si les cinq hommes les plus sages du monde y jouent, à la fin il y a des riches et des pauvres.  De même avec des jeux de rôle où chacun doit gérer un territoire : à la fin, on a réinventé le capitalisme. C'est con. Est-ce que le système de jeu lui-même induit ça ? Est-ce parce qu'on n'a pas d'autres idées ? Est-ce parce que les joueurs sont conditionnés par le système dans lequel ils vivent, donc enfermés dans un mode de penser ? Ou bien se trouve-t-on devant un mécanisme universel, objectif, une sorte de loi de la nature, une sorte d'entropie. TINA, disait Margaret Thatcher : There is no alternative. (On voit le résultat !)
Seulement voilà, le plus avide, en gagnant, perd. En gagnant, meurt. Le banquier ne peut survivre qu'en réinjectant des liquidités dans le milieu, en "explosant" – en dépensant ou en prêtant… pour qu'il se passe quelque chose : l'échange d'énergie et d'information avec le milieu est indispensable. Sinon : entropie. La concentration d'une étoile la transforme en trou noir, elle disparaît. Celui qui a tout meurt.
Maintenant, là, j'ai évoqué un système clos, un morceau d'espace (un système solaire), ou le système bancaire d'un pays, ou l'unique banque d'une ville (Monopoly, comme son nom l'indique). L'effondrement se produit en vase clos, because manque d'échange d'information et d'énergie avec l'extérieur. En réalité, il n'existe pas de système parfaitement clos, ce qui  devrait empêcher l'effondrement… mais pas forcément : on l'a vu avec l'île de Pâques ou la civilisation Maya : un certain degré de clôture sur soi-même suffit.
Donc reprenons : la banque a gagné la partie de Monopoly, OK, elle possède toute la ville, devenue ville de pauvres : on a abouti à une banque super-riche à la tête d'une population de super-pauvres. Tout pourrait s'arrêter là, comme suggéré plus haut. MAIS, dans un monde ouvert, vraiment ouvert, il y a d'autres banques, d'autres villes. D'autres banques, ailleurs, ont conquis de même leur ville, en ont fait une ville de super-pauvres à leur merci, sont devenues super-riches. Ce faisant, n'ayant plus rien à faire (échanger), elles s'ennuient chacune dans leur coin. Jaillit alors une nouvelle idée : « On va jouer entre nous. Dans chaque ville, les habitants super-pauvres vont continuer leurs petites affaires (survie), mais nous les banques, on va jouer ensemble, de banque à banque, avec comme enjeu non plus des possessions réelles (maisons, objets, gens…) mais avec ce que nous possédons toutes en abondance : l'argent (des chiffres dans des ordinateurs), voire les dettes, c'est-à-dire quelque chose comme du non-argent. »
On aboutit donc à un Monopoly mondial. Les banques s'amusent bien, longtemps. Pourtant, à long terme, le résultat est inéluctable : concentration sur une unique banque mondiale gagnante, qui possède tout et donc gagne – et donc perd. Fin de l'histoire – mais tout de bon, cette fois, puisque c'est le monde entier qui est conquis : il n'y a plus d'ailleurs. TINA. Concentration finale = entropie maximale, implosion, effondrement, big crush, trou noir. (Dont la seule solution est que la réaction nucléaire chaotique interne entraîne une ré-explosion, un nouveau big bang. Plus tard.)
Pendant ce temps.
MAIS il ne faut pas oublier que, pendant ce temps, les individus, même super-pauvres, continuent "leurs petites affaires", vivent au jour le jour leurs échanges de quartier, trocs, cadeaux, actes gratuits, bénévolat, invention de monnaies locales et périssables… Jeux d'économie à la petite semaine. Et ce dans l'indifférence des banques… mais aussi vice versa : si les banques disent « Laissons-les jouer dans leur bac à sable », les citoyens peuvent aussi se dire « Laissons les banques jouer sur leur nuage planant au dessus, avec leur argent virtuel, leurs chiffres, nous on s'occupe de la réalité. C'est nous qui survivrons. »

1 commentaire:

Cédric a dit…

La démonstration de votre partie "entropie" est limpide et va à l'essentiel. La happy-end sur la vraie économie tournant le dos au monde virtuel des banques donne de l'espoir, mais le big-bang final (entropie maximale) concernera-t-il uniquement les banques ou aussi le monde réel?