jeudi 10 mai 2012

Calvin (de messe)


LO 479 BIS (10 mai 2012)
A propos de l'article précédent (Mona Chollet), dans le N° suivant de Courrier International (mai 2012), quelque interventions dans le courrier des lecteurs nous enseignent que Calvin, l'un des responsables de "la Réforme" avait vu que l'industrie naissante avait besoin de crédit et avait recommandé le crédit à intérêt, interdit jusque là. (Du moins interdit aux chrétiens et comme "réservé" aux juifs, que l'on pouvait ainsi tranquillement qualifier d'usuriers, et massacrer de temps en temps histoire d'écluser des dettes… Mais c'est une autre histoire… Quoique pas tout à fait, car les protestants se référent beaucoup à l'Ancien Testament – la Bible hébraïque. Ils sont donc sur bien des points plus proches des origines juives du christianisme que ne le sont les catholiques.) Calvin justifiait les intérêts car il serait légitime de payer un "loyer" à qui vous prête un argent qui vous permet de vous enrichir. (Ça se discute… On peut imaginer une banque nationalisée qui prête à taux zéro aux entreprises du pays, encouragement qui ne serait pas une subvention…) Mais par ailleurs Calvin jugeait illégitime d'exiger un intérêt des pauvres, car votre richesse ne vous appartient pas et vous n'avez le droit d'aider les riches en leur prêtant qu'après avoir subvenu aux besoins des pauvres. (Aurait-il inventé le micro-crédit "moral" ?) D'autre part il condamnait l'ascétisme car les Biens de la Création Divine doivent profiter au bonheur de tous. (Oui, c'était un temps où on parlait avec plein de Majuscules Divines, mais on pourrait tout à fait appliquer ça en langage moderne avec des notions de solidarité, d'équité, de partage des ressources écologiques…)
Ce que prolonge un autre courrier des lecteurs qui, lui, vante les vertus de mesure, de travail, voire de "sacrifice", comme écologiquement positives. Effectivement, on risque d'opposer (très superficiellement) cette austérité soudain exigée par les instances politico-financières au gaspillage, à la paresse, au j'm'enfoutisme jouisseur de la société libérale-consommatrice. Et donc où trouver la mesure, l'équilibre ? Ni le gaspillage irresponsable et destructeur, ni l'austérité moraliste sinistre. Une autre morale qui viserait simplement à éviter l'extinction de l'espèce humaine…
Peut-être faut-il aller chercher du côté des idées de "la décroissance" qui promeut une sobriété jouissive…

3 commentaires:

Bruno Bellamy a dit…

...on pourrait ajouter (je crois) qu'au-delà de toute considération morale, il est un fait que l'économie est une création humaine et, par nature, un outil, un moyen, et en aucun cas une fin en soi.
Le paradoxe actuel consiste en ce que cet outil, non seulement est devenu une fin en soi (on ne cherche plus à jouir de l'existence, quitte pourquoi pas à utiliser l'économie et la finance comme moyen pour atteindre ce but, on cherche la richesse -financière, cela va sans dire- et on verra bien ce qu'on fait des sous une fois qu'on les aura), mais en arrive à disposer d'une vie propre, du moins si l'on en croit les puissants qui prétendent nous secourir, en nous parlant des mouvements de l'économie, de la crise, etc, comme si ces phénomènes se produisaient "comme ça", comme s'ils étaient tombés du ciel, comme s'ils étaient, comme on dit, "indépendants de notre volonté". Or cette entité qui semble avoir avoir acquis une sorte de vie propre, et qui est en principe un outil, un création de l'humanité, n'hésite pas à nuire à l'humanité, à se retourner contre elle, comme une sorte de monstre de Frankenstein hors de contrôle.
Un outil qui devient une fin en soi, et se retourne contre son inventeur, moi ça m'évoque surtout le fait qu'il y a là un non-sens, et un manque sérieux de fonctionnalité. Une clé à molette ne se jette pas sur le mécano en aboyant et en lui mordant les mollets. De même, l'outil économique, la finance, n'a pas à agir contre les intérêts vitaux de ceux -les êtres humains- qui l'ont fabriqué. Ce n'est pas un point de vue moral, c'est une nécessité fonctionnelle.

La seule explication que je trouve à ce paradoxe, c'est que cet outil n'a en fait PAS acquis une vie propre, et est manipulé par des gens qui ne savent pas s'en servir. Que devrait faire un mécano qui réalise que quelqu'un s'empare de sa clé à molette pour le frapper avec ?

Philippe Caza a dit…

J'adore ta façon imagée, Bruno !
Il y a sans doute du vrai dans les deux : l'outil échappe à son maître comme un Titanic sans freins va sur son erre… mais aussi des gens s'en emparent, qui ne savent pas s'en servir, ou ne s'en servent qu'à leur propre et proche bénéfice (ceci dit sans s'enfoncer dans la paranoïa complotiste…)

love a dit…
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