jeudi 31 mars 2016

Après Bruxelles 22 mars


Valls en a marre des explications psycho-socio-historico-politico-culturelles (PSHPC) qu'il voit comme des "excuses". Mais non, ce ne sont pas des excuses, justifications, légitimations ou pardons. Les excuses ou le pardon, c'est de la morale (ou de la justice, sur son versant "circonstances atténuantes"). La légitimation, c'est encore autre chose : une justification idéologique (demandez à Camus si quoi que ce soit justifie le terrorisme). Le pardon, c'est typiquement chrétien. Les excuses, l'empathie, le "je sais ce que tu ressens", ça peut faire du bien, sur le plan affectif, tant à celui qui reçoit qu'à celui qui émet, celui qui est pardonné comme celui qui pardonne. Tout cela, ce n'est pas le rôle des explications.
La recherche d'explications, c'est (ou ça essaie d'être) de la science, du moins de la compréhension par le travail analytique. Ça peut emmener loin parce que les PSHPC, c'est en fait toute la Culture. C'est la Culture qui chapeaute tout ces domaines, y compris le domaine politique politicien… (J'entends la Culture au sens anthropologique, d'où la majuscule.) Concept analytique, grille où s'entrecroisent, comme dans les mots croisés, psychologie, sociologie, culture, religion, mœurs, sexualité, génétique… et bien sûr politique. L'explication anthropologique a le tort d'être complexe et de prendre du temps.
On préfère en général les explications simples. Elles sont forcément simplettes, mais on adore ça : on veut toujours des coupables, ou mieux : un coupable. Le UN, Dieu, l'origine, le Big Bang ou Big Brother, la cause unique (paradigme issu du monothéisme). Mais le monstre de Frankenstein est un puzzle. Toutes les explications causales sont vraies, toutes les raisons déraisonnables du mal, sont vraies. Il ne faut pas les opposer mais les conjuguer, les entrecroiser comme dans la grille des susdits mots croisés. Tout est vrai, tout est en cause : la religion et l'absence de religion, la radicalisation islamique et l'islamisation du radicalisme, la politique partisane, le vote et l'abstention, l'urbanisme béton, la nourriture chimique, le racisme, le laxisme et la raideur, la faillite de ceci ou cela, mai 68 et la pratique du 69, la pornographie, Internet, le chômage, la drogue, le pétrole………
Restent les faits.
Les explications PSHPC n'excusent pas, ne légitiment pas, ne pardonnent pas et n'effacent pas les faits. Ne rassurent pas non plus. Et n'excluent pas la répression policière, judiciaire, guerrière, qui sont des choix politiques. Par contre, en faisant avancer la compréhension, elles peuvent améliorer la prévention d'autres faits similaires prévisibles. Analyser, comprendre ne sert pas à excuser (ce qui est, au fond, victimiser) ni à condamner (culpabiliser et traquer les coupables derrière les coupables) mais à chercher comment éviter ça, comment faire mieux la prochaine fois. Prévenir.
Punir les coupables (et surtout les empêcher de sévir de nouveau, ce pourquoi on les enferme), il faut bien, sans doute, c'est en tout cas l'urgence. D'où l'état d'- . C'est le boulot de la police et de la justice : soigner le symptôme. (Mais pourquoi donc faut-il encore un accent circonflexe sur "symptôme" ?!) Comme en médecine, il faut bien soigner le symptôme qui masque le terrain pour pouvoir soigner le terrain. Car, l'important c'est de soigner le terrain : soigner les cités (sociologie), les enfants des cités, un à un (psychologie), l'école (éducation, culture)… Et aussi bien la religion, celle qu'on répugne à nommer et à pointer du doigt par peur d'être accusé de racisme : l'islam, puisqu'il faut l'appeler par son nom. (Rassurez-vous, j'en ai autant pour les autres religions, comme lieux de maladies individuelles et collectives.)
Et ça, c'est l'action, et c'est le boulot de… de qui, au fait ?  De l'éducation, pas seulement nationale, c'est-à-dire en fait d'un peu tout le monde : des parents, culturels officieux ou officiels, soignants ou éducateurs "de terrain", médias, etc., tout un monde qui, en principe, est chapeauté par l'État, le domaine politique : les politiques, les élus – qui sont les délégués de cet "un peu tout le monde".
— Mais… tu rêves, là !
— Oui… Non… Mais… Inutile de faire le énième discours sur la démission du politique… Si eux ne font pas ce qu'il y a à faire, les "un peu tout le monde" cités plus haut, ainsi que "tout un chacun" font ce qu'il peuvent à leur échelle. On ne compte plus sur la politique, ou le politique, qui est censée impliquer et s'impliquer dans tout le domaine PSHPC, mais qui l'a un peu oublié.
Les hommes politiques, les élus, ça les arrange, de refuser les analyses PSHPC trop pointues, parce que, forcément, ça les met en cause. Ça met en cause leurs actions et inactions, les erreurs commises à droite comme à gauche depuis 40 ans ou plus dans les politiques migratoires, de la ville, de l'éducation, de la santé, leur clientélisme, leur démission. Ça pointe leur responsabilité, et ça ils n'aiment pas. Alors ils font la sourde oreille (à moins que ce ne soit de l'aveuglement). Ils se contentent donc de l'action au sens le plus superficiel du terme : soigner le symptôme : le renseignement, la police, la répression, la prison, la guerre contre Daesh au loin, les traques, arrestations et au besoin abattages d'auteurs d'attentats, ici. Ce n'est pas à exclure, comme dit plus haut : il faut bien dégager le terrain.
Mais ce n'est pas la fin, c'est le début du boulot.


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