mercredi 6 décembre 2017

AUTOMNE ATONE

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Il fait froid, c'est normal. Mais quand les feuilles crient en tombant des arbres, c'est que le monde va mal.

ACCUSER
Nourris que nous sommes de culture chrétienne, nous pratiquons volontiers une critique (de tout et n'importe quoi) de type moraliste. C'est l'ère du soupçon et pire, de la dénonciation.
De plus nous nous trompons souvent de cible. Notre parano anarcho-gauchiste nous fait le plus souvent accuser l'État. Pourtant, pour prendre un exemple, ce qui invalide l'Internet, ce n'est pas la surveillance sécuritaire, le contrôle étatique : vous avez souvent un message gouvernemental envahissant sur votre écran ? Un spam du centre des impôts dans vos courriers, un pop-up de la gendarmerie au milieu d'une lecture ? Moi, jamais. Par contre les pubs…
Ce qui invalide l'Internet, c'est l'invasion du commerce. De réseau de convivialité cool, quasi libertaire hippie, de lieu d'échange d'informations et de connaissances en tous genres, l'Internet est devenu en quelques années une gigantesque galerie commerciale. Non seulement des vitrines alignées par milliers mais des enseignes qui vous hèlent et vous harcèlent, comme les messages que reçoit Tom Cruise dans Minority Report quand il entre dans un mall avec la petite précog. Aussitôt identifié aussitôt harcelé. Et qui vous relancent à la maison au besoin. (Et souvent, mais c'est un détail, de façon très bête : j'achète une douzaine de chaussettes sur un site de marchand de chaussettes, dans les jours qui suivent, je trouve sur tous les sites où je passe des pubs pour des chaussettes… Les algorithmes doivent se dire "on a repéré un amateur de chaussettes, taïaut !" Les I.A. sont cons.)
Le contrôle n'est pas étatique mais capitaliste, ou plus exactement commercialiste, par la mainmise des entreprises marchandes sur le réseau. Surveillance, identification, harcèlement, relance. Le commerce travaille à occuper tout l'espace et ne laisser au reste que des niches.
Mais on veut des coupables !  Quand une grosse panne paralyse la SNCF, on veut des responsables, des coupables, nominatifs et punissables. Des noms ! Des noms à accuser ! Parce que "le commercialisme", "le système", "la conjoncture", "la complexité", "la SNCF", on ne peut pas les pendre. Or nous sommes moralistes et vindicatifs. Victimes vindicatives, nous adorons les vengeurs, masqués ou non. Nous réclamons "la justice", mais ce que nous voulons vraiment, c'est la vengeance.

LE DESTIN
Après Big Brother (l'État, la cité civile), Big Data (le commerce, la cité marchande).
Les algorithmes de prévision, c'est le retour du Destin, de la Prédestination, c'est le Grand Livre de Jacques le Fataliste, c'est la Fatalité. Pourtant, on croyait en avoir fini avec cette idée débile que "tout est écrit" (à l'avance).
C'est toujours cette question du prévu et du prévisible, des possibles et des éventuels, des rêves d'avenir accomplis ou brisés par la conjoncture (la réalité)…
L'avenir est contingent (par définition).
La vie impose « des situations qui liquident sans pitié celles qu'on avait imaginées », dit Philippe Lançon qui sait de quoi il parle, ayant pris une balle dans la mâchoire lors de l'assassinat de la rédaction de Charlie Hebdo…
Tu crois tout diriger, être maitre de ta vie, mais non… "Ça" se passe, "Ça" arrive… "Everything happens to me", dit le standard si bien chanté par Chet Baker
ou Billie Holiday
Black cats creep across my path
Until I'm almost mad
I must have 'roused the devil's wrath
Cause all my luck is bad
I make a date for golf and you can bet your life it rains
I try to give a party and the guy upstairs complains
I guess I'll go through life
Just catchin' colds and missin' trains
Everything happens to me

I never miss a thing
I've had the measles and the mumps
And every time I play an ace
My partner always trumps
Guess I'm just a fool who never looks before he jumps
Everything happens to me

At first my heart thought you could break this jinx for me
That love would turn the trick to end despair
But know I just can't fool this head that thinks for me
I've mortgaged all my castles in the air
I've telegraphed and phoned
I send an "Airmail Special" too
Your answer was "Goodbye"
And there was even postage due
I fell in love just once
And then it had to be with you
Everything happens to me

Paroliers : Hoagy Carmichael / Johnny Mercer


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