jeudi 15 février 2018

ALONE ON MOON / 12

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L'ouverture des portes est programmée pour 6 heures.
Il faut ramasser les choux-fleurs avant qu'ils ne se mettent à courir précocement. Mais ils ne se laissent pas facilement approcher.
Le chat que tu as mis dehors gémit. Sa voix d'enfant mort-né acidifie l'espace neigeux. Il faut le rentrer, lui donner du lait d'abeille. Tu sors pourtant – dans la ruée du ciel. Il pleut comme un rapace, ta robe oxydée va être toute taggée et tu ne trouves pas de tapis. Tu regardes le ciel avide, mais il a déteint au lavage et les avions font des trous dans l'air : on voit toutes les coutures.
Demi-tour. Est-ce qu'il reste du café ?
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Basket
Tel un Indien amer sortant de sa réserve naturelle, il s'attaqua à mes baskets à coups de chauvesouris. Les coups pleuvaient comme vache qui rit et mes lacets, lassés, prirent la tangente. Mes semelles battaient le pavé avec rudesse. Je décidai alors de me faire pousser une moustache et d'émigrer en Australie où sont les kangourous et les eucalyptus de l'apocalypse.
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Que c'est triste les pays de lest.
La guerre froide a fini sur la chaise électrique. Le Danube n'est ni bleu ni beau. Dans ses profondeurs femelles, des monstres marins forment un cauchemar grotesque où se marient carpes et lapons. Les zombies de Tchernobyl et leurs chiens sans poils ont depuis longtemps perdu leurs eaux et de gros poissons fugitifs dansent au bal du jugement dernier.
Le désert est sanglant, la lumière est morbide. Sur ces territoires intermittents, le vent parcourt les steppes sans changement (l'espace les boit). Les landes sceptiques peuplées d'anacoluthes invertébrés sentent l'épicéa. Le ciel est gris comme un rat.
Sous l'étoile Absinthe, des architectures vindicatives se moquent du coucher de soleil. L'oxygène manque. La gloire passée a détraqué les balcons sans coup férir. Des somnambules marchent pieds nus au bord de l'asphyxie sous influence d'art contemporain. Des moteurs mal consciencieux râlent au pied des murs. Un chien-robot ronge un os d'acier.
Derrière les barreaux des prisons, on regarde une effeuilleuse aux seins verts qui danse sur une musique opératique d'une laideur révoltante. Un bandeau néon enserre son front, empêchant ses cheveux de tourner en boucle. Ses dents sont déboisées. Ses longs bas luisent. Une clarinette ennuyeuse l'accompagne, et sa langue alanguie flirte avec les guitares. (C'est bien trop sentimental.)
Un instant, ses seins poussent en fleurs, printaniers, s'épanouissent en été, fruits juteux. Puis tombent à l'automne. Ne reste que l'hiver squelette.
Shut up, sugar ! Allez vous-en, il n'y a personne à tuer, ici : nous sommes tous atteints de la maladie du bonheur.


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