vendredi 20 avril 2018

ALONE ON MOON / 22


Cabaret sumo sans issue
Ce soir, un nippon adipeux affronte en string et sans tapis une sorcière néopaïenne. Ils éructent des mots mâchés, élémentaires, qui font la guerre intermédiaire. Ils dressent leurs mains en sang au ciel, comme pour l'empêcher de les écraser.
Suit une autre séquence japonaise : la vie secrète des épées, avec des guerrières samouraï qui jouent au mikado vêtues d'un kimono qui cache leur kaiken. Plus courageuses que les hommes, elles tracent dans l'air des calligraphies de mille coups de sabre ou de naginata, lancent des coups d'éclat aux palmes karmiques – leurs yeux de raie Manta m'aimantent.
Sous un chapiteau corinthien, Occam fait son grand numéro : face au nœud gordien, il sort son rasoir. Tchac ! Puis il s'empare du roc de Sisyphe et s'en sert pour boucher le tonneau des Danaïdes. Deux problèmes antiques réglés d'un coup.
Des coulisses, se glissent maintenant les Sélénites… ces intrigants sélénites à trois yeux noir corbeau. Ils chantent des chansons pour les mouches, ils marchent sur les pieds des décapodes, les araignées de mer murmurent à leurs orteils. Par les orifices de leurs masques d'argent, le sang suinte.
Regardez-les gerber des flammes avec un zèle assourdissant, puant sans pudeur.
— Mais qu'est-ce donc que vous leur donnez à manger ?!
— De gracieux lapins morts.
— Pas la fourrure, quand même ?
— Non : les oreilles et la queue en pompon – et les yeux rouges.
Un troll, dans le bus, entame un panorama du paranormal.
Un fakir corrompu épingle sa viande à part sur un tapis d'asphodèles.
Eva l'échevelée, sur son vélo vole au secours d'Adam l'écervelé, tombé de charisme caprice calice calibre cabine calife câline praline canine canif papille carie caribou cariatide… en sillage sidecar signal cigale synapse cirage sida.
Sur un ring de neige vierge, une poupée norvégienne givrée née sans père, traquée, mène une bataille perdue d'avance contre les serpillères venimeuses et les champignons articulés.
Le spectacle se conclut par Carmencita, opéra-ballet.
Derrière la porte verte, dans la chambre rouge, des femmes noires exposent leurs seins en flammes et leurs bassins. Des échassiers lugubres, têtus, les observent avec circonspection ou les tâtent avec componction. Elles ont peint en deux tons, violet et vert bronze, l'entour de leurs yeux furibonds.
Voici la belle Carmen à l'œil noir, vêtue de rouge, bien sûr – carmina burana –, qui roule les cigares dans l'arôme de ses cuisses, qui griffe les hommes comme les femmes, qui séduit de ses habanéras le shérif à moustache comme le toréro à paillettes, qui attise le désert inhabitable et refuse à tous l'entrée de son cirque plein de sang.
Le blanc et le noir, le rouge et le blanc, le rouge et le noir.
Le noir et le noir.
Divine marquise masquée, l'ogresse aux mains rouges dans la nuit ventouse crache sa salive vivante, parfumée, tandis que les chœurs d'enfants déferlent, poissons volants, par rafales.
Puis enfin poignardée – estocade torride –, c'est tout le flot rouge de sa robe qui s'enfuit d'elle.
Elle est nue.


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